arts

vendredi 5 avril 2013

Brocante villageoise

Brocante villageoise

C'est en déambulant dans un village oublié de Hesbaye, suite à une panne de mon vieux véhicule m'immobilisant le temps d'attendre le dépanneur du coin ( celui-ci trop endormi pour arriver dans l'heure après un lourd repas dominical ) que je fus obligé de tuer le temps à contempler la misère intellectuelle des habitants de ce triste lieu, car, à mon grand malheur, une brocante communale essayait d'égayer ce bourg.

Quoi de plus révélateur que cet impudique déballage de mauvais goût?
Rien ne me fut épargné, des bibelots de grand-mère ébréchés et poussiéreux aux jouets souillés de bave séchée du petit dernier.

Le plus pitoyable fut au rayon littérature, enfin là j'emploie un grand mot pour qualifier ces infâmes assemblages de feuilles jaunies et malodorantes.
Pourtant, mener une charrue et lire le soir devant l'âtre " les mémoires d'outre-tombe " n'est pas incompatible, mais dans ce village la culture semblait s'être arrêtée à la collection Arlequin!

Quelques croûtes et copies de croûtes mal encadrées jonchaient fièrement le sol, leurs propriétaires pensant détenir des joyaux de l'art pictural.
Seul le bois du cadre avait une valeur...calorifique, pour cet hiver!

Maugréant sur mon triste sort, ce n'est qu'après un certain temps que je me rendis compte, qu'on m'observait de loin avec insistance.

Devant une jolie petite maison abondamment fleurie avec un choix de teintes d'une délicatesse étonnante, se tenait une jolie petite vieille tout habillée de dentelles colorées.

Quand nos regards se croisèrent, je la vis sourire, c'était comme une invitation à la rejoindre parmi ses bibelots hétéroclites.
Ce que je fis d'un pas un peu indécis pour ne pas trop marquer mon intérêt pour sa jolie personne.

L'amalgame d'objets qui l'entouraient, tout aussi tristement identique à tous ceux de ce village, ne lui correspondaient pas, ainsi qu'à l'ambiance de sa maisonnette si artistiquement décorée.

Après avoir jeté un vague regard sur ces bibelots infâmes, je ne pus réprimer une moue dédaigneuse, qu'elle remarqua aussitôt.
- Mes objets ne vous plaisent pas monsieur? Me demanda-t-elle!
- Vous n'aimez pas notre village? Insista-t-elle!
- Pourtant nous avons fait tout cela rien que pour vous! S'exclama-t-elle.
- Il nous à fallu deux mois pour réunir tous ces objets, tous les villages voisins s'y sont mis pour nous aider car nous ne possédions rien qui aurait pu vous intéresser, vous autres les amateurs de brocante.

Là, je lui avouai que c'est le hasard d'une panne automobile qui m'immobilisât dans son village et que la brocante n'est vraiment pas ce qui m'attire le plus en ce bas monde.

Après cette révélation qui ne la désarma pas le moins du monde, elle me proposa gentiment de me désaltérer chez elle, ce que j'acceptai avec plaisir, car le climat orageux devenait lourd et oppressant.

Le charme intérieur de sa chaumière ne détonnait pas de celui de l'extérieur et le spectacle de la beauté des objets y présentés, me déstabilisa fortement : tableaux, vases, livres et sculptures étaient tous dignes d'une salle de musée de grande renommée.

Voyant mon étonnement, elle m'expliqua que l'an passé, le village avait ouvert ses portes aux visiteurs et pas un chat n'était venu, pourtant elle n'était pas seule à posséder une telle collection.
Comment faire pour attirer du monde et redynamiser leur bourgade, l'art n'attirait plus, seules les brocantes de mauvais goût avaient du succès!

Je me sentis gêné d'avoir si mal jugé tout ces villageois, car nous discutâmes longuement de littérature contemporaine aussi bien que de celle du XIX° et rien ne lui était inconnu, sa bibliothèque recelant même des premières éditions rarissimes, elle avait pour chaque sujet abordé, un avis de connaisseur très éclairé.
Elle me fit promettre de revenir un jour pour me présenter la bibliothèque du véritable connaisseur du village, monsieur le boucher!
Elle me demanda qui devait réparer mon véhicule et à l'annonce de son nom, s'exclama:
-Ah, Albert le garagiste sculpteur! Vous avez de la chance car il vient de rentrer d'une de ses expositions à New-York, vous serez dans de bonnes mains, rien ne lui résiste, il a des mains en or.

Et c'est en la remerciant pour le thé glacé qui me désaltéra si bien que je pris congé de son agréable invitation.

Dans la rue, mon téléphone portable se mît à frémir pour m'afficher que mon mécanicien sauveur m'attendais près de ma voiture et peu de temps après, grâce à son savoir-faire, je repris la route vers ma capitale bien prétentieuse, me jurant de ne plus juger aussi vite les inconnus que le destin me fait croiser.   

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire