Brocante villageoise
C'est en déambulant dans un village oublié de
Hesbaye, suite à une panne de mon vieux véhicule m'immobilisant le temps
d'attendre le dépanneur du coin ( celui-ci trop endormi pour arriver dans
l'heure après un lourd repas dominical ) que je fus obligé de tuer le temps à
contempler la misère intellectuelle des habitants de ce triste lieu, car, à mon
grand malheur, une brocante communale essayait d'égayer ce bourg.
Quoi de
plus révélateur que cet impudique déballage de mauvais goût?
Rien ne me fut
épargné, des bibelots de grand-mère ébréchés et poussiéreux aux jouets souillés
de bave séchée du petit dernier.
Le plus pitoyable fut au rayon
littérature, enfin là j'emploie un grand mot pour qualifier ces infâmes
assemblages de feuilles jaunies et malodorantes.
Pourtant, mener une charrue
et lire le soir devant l'âtre " les mémoires d'outre-tombe " n'est pas
incompatible, mais dans ce village la culture semblait s'être arrêtée à la
collection Arlequin!
Quelques croûtes et copies de croûtes mal encadrées
jonchaient fièrement le sol, leurs propriétaires pensant détenir des joyaux de
l'art pictural.
Seul le bois du cadre avait une valeur...calorifique, pour
cet hiver!
Maugréant sur mon triste sort, ce n'est qu'après un certain
temps que je me rendis compte, qu'on m'observait de loin avec
insistance.
Devant une jolie petite maison abondamment fleurie avec un
choix de teintes d'une délicatesse étonnante, se tenait une jolie petite vieille
tout habillée de dentelles colorées.
Quand nos regards se croisèrent, je
la vis sourire, c'était comme une invitation à la rejoindre parmi ses bibelots
hétéroclites.
Ce que je fis d'un pas un peu indécis pour ne pas trop marquer
mon intérêt pour sa jolie personne.
L'amalgame d'objets qui
l'entouraient, tout aussi tristement identique à tous ceux de ce village, ne lui
correspondaient pas, ainsi qu'à l'ambiance de sa maisonnette si artistiquement
décorée.
Après avoir jeté un vague regard sur ces bibelots infâmes, je ne
pus réprimer une moue dédaigneuse, qu'elle remarqua aussitôt.
- Mes objets ne
vous plaisent pas monsieur? Me demanda-t-elle!
- Vous n'aimez pas notre
village? Insista-t-elle!
- Pourtant nous avons fait tout cela rien que pour
vous! S'exclama-t-elle.
- Il nous à fallu deux mois pour réunir tous ces
objets, tous les villages voisins s'y sont mis pour nous aider car nous ne
possédions rien qui aurait pu vous intéresser, vous autres les amateurs de
brocante.
Là, je lui avouai que c'est le hasard d'une panne automobile
qui m'immobilisât dans son village et que la brocante n'est vraiment pas ce qui
m'attire le plus en ce bas monde.
Après cette révélation qui ne la
désarma pas le moins du monde, elle me proposa gentiment de me désaltérer chez
elle, ce que j'acceptai avec plaisir, car le climat orageux devenait lourd et
oppressant.
Le charme intérieur de sa chaumière ne détonnait pas de celui
de l'extérieur et le spectacle de la beauté des objets y présentés, me
déstabilisa fortement : tableaux, vases, livres et sculptures étaient tous
dignes d'une salle de musée de grande renommée.
Voyant mon étonnement,
elle m'expliqua que l'an passé, le village avait ouvert ses portes aux visiteurs
et pas un chat n'était venu, pourtant elle n'était pas seule à posséder une
telle collection.
Comment faire pour attirer du monde et redynamiser leur
bourgade, l'art n'attirait plus, seules les brocantes de mauvais goût avaient du
succès!
Je me sentis gêné d'avoir si mal jugé tout ces villageois, car
nous discutâmes longuement de littérature contemporaine aussi bien que de celle
du XIX° et rien ne lui était inconnu, sa bibliothèque recelant même des
premières éditions rarissimes, elle avait pour chaque sujet abordé, un avis de
connaisseur très éclairé.
Elle me fit promettre de revenir un jour pour me
présenter la bibliothèque du véritable connaisseur du village, monsieur le
boucher!
Elle me demanda qui devait réparer mon véhicule et à l'annonce de
son nom, s'exclama:
-Ah, Albert le garagiste sculpteur! Vous avez de la
chance car il vient de rentrer d'une de ses expositions à New-York, vous serez
dans de bonnes mains, rien ne lui résiste, il a des mains en or.
Et c'est
en la remerciant pour le thé glacé qui me désaltéra si bien que je pris congé de
son agréable invitation.
Dans la rue, mon téléphone portable se mît à
frémir pour m'afficher que mon mécanicien sauveur m'attendais près de ma voiture
et peu de temps après, grâce à son savoir-faire, je repris la route vers ma
capitale bien prétentieuse, me jurant de ne plus juger aussi vite les inconnus
que le destin me fait croiser.
vendredi 5 avril 2013
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